Ils ont été appelés en Algérie au moment des 'événements', en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d'une journée d'anniversaire en hiver, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Au moment où les harkis réclament encore la reconnaissance de la trahison française, dix ans après que l'Etat a donné le nom de guerre aux "événements d'Alger", 'Des hommes' offre le prétoire de la fiction à une histoire de silences. Sous la dictée d'un narrateur miséricordieux qui préfère la pitié aux aigreurs du ressentiment, la phrase tâtonne. Car si celui qui raconte est aussi pudique, on le comprendra, ce n'est pas seulement pour tenir son rôle de témoin. Sa confidence en pointillés ne serait pas si forte sans une volonté obstinée de communiquer l'informulable : la solitude du revenant frappé du sceau de l'infamie, la peur du sommeil, le poids asphyxiant du souvenir aussi impossible à taire qu'inutile à dire. Rabut le sait, la guerre ne laisse jamais en paix. Allégorie muette et écrasante, son fantôme s'insinue sans prévenir dans le quotidien de ceux qui en sont revenus. Elle jaillit comme un anachronisme au milieu de la journée la plus gaie, donne son amertume au premier café. Mauvignier ne souligne pas le tragique, il le débusque dans l'enchaînement absurde des faits. Sa construction en est l'illustration, qui raconte d'abord la vie des années après, puis retourne en Algérie pour donner forme aux souvenirs qui gangrènent le présent. Le procédé s'avère éminemment signifiant. Initiant le lecteur à la manière progressive de la confidence. Mais qu'on ne s'y trompe pas, l'auteur tourangeau ne signe pas un réquisitoire ou une charge politique. Traitant chaque homme et son cortège de faiblesses avec la même humanité, il panse la blessure des anciens envoyés. Sans haine ni étendard, par le pouvoir implacable des mots d'un grand auteur.
Au moment où les harkis réclament encore la reconnaissance de la trahison française, dix ans après que l'Etat a donné le nom de guerre aux "événements d'Alger", 'Des hommes' offre le prétoire de la fiction à une histoire de silences. Sous la dictée d'un narrateur miséricordieux qui préfère la pitié aux aigreurs du ressentiment, la phrase tâtonne. Car si celui qui raconte est aussi pudique, on le comprendra, ce n'est pas seulement pour tenir son rôle de témoin. Sa confidence en pointillés ne serait pas si forte sans une volonté obstinée de communiquer l'informulable : la solitude du revenant frappé du sceau de l'infamie, la peur du sommeil, le poids asphyxiant du souvenir aussi impossible à taire qu'inutile à dire. Rabut le sait, la guerre ne laisse jamais en paix. Allégorie muette et écrasante, son fantôme s'insinue sans prévenir dans le quotidien de ceux qui en sont revenus. Elle jaillit comme un anachronisme au milieu de la journée la plus gaie, donne son amertume au premier café. Mauvignier ne souligne pas le tragique, il le débusque dans l'enchaînement absurde des faits. Sa construction en est l'illustration, qui raconte d'abord la vie des années après, puis retourne en Algérie pour donner forme aux souvenirs qui gangrènent le présent. Le procédé s'avère éminemment signifiant. Initiant le lecteur à la manière progressive de la confidence. Mais qu'on ne s'y trompe pas, l'auteur tourangeau ne signe pas un réquisitoire ou une charge politique. Traitant chaque homme et son cortège de faiblesses avec la même humanité, il panse la blessure des anciens envoyés. Sans haine ni étendard, par le pouvoir implacable des mots d'un grand auteur.
Des hommes
Laurent Mauvignier
Broché
Paru le: 03/09/2009
Editeur : Minuit (Les Editions de)
ISBN : 978-2-7073-2075-9
Nb. de pages : 280 pages
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire